Lettres à nos anges

Recueil de textes et chansons

Je vous prêterai pour un peu de temps,
Un de mes enfants, dit Dieu,
Pour que vous l’aimiez tant qu’il vivra,
Et le pleuriez quand il vous quittera,

Ce sera peut-être six ou sept semaines,
Trente ans ou trois ans,
Le voulez vous, jusqu’à ce que je le reprenne,
Pour prendre soin de lui à ma place,

Il portera son charme pour vous égayer,
Et même si son passage est bref,
Vous aurez ce doux souvenir de lui,
Pour vous consoler de votre peine,

Je ne peux vous promettre qu’il restera,
Puisque tout sur terre est passager,
Mais il y a des leçons qui s’y enseignent,
Et je veux que mon enfant les apprennent,

Et là, sur terre avec vous,
Je prête cet enfant qui est mien,
Pour bien des âmes qu’il touchera,
Avec les leçons que j’envoie,

J’ai regardé ce vaste monde,
En cherchant des âmes fidèles,
Et dans la foule qui encombre le chemin de la vie,
Je vous ai choisis,

A présent voulez-vous donner votre amour,
Sans penser que ce soit labeur inutile,
Et sans me détester quand je viendrai,
Pour le reprendre ?

Je vous imagine me disant,
« Seigneur que ta volonté soit faite. »
Pour toutes les joies que cet enfant nous a données,
Nous acceptons les risques du destin,

Mais tu es venu le reprendre,
Bien plus vite que nous le pensions,
Seigneur, pardonne nos larmes,
Et aide nous à comprendre.

Comme une petite étoile filante
qui traverse le ciel et disparaît doucement
tu as traversé notre vie
tu ne t’effaceras jamais de nos mémoires

Tu as bouleversé notre vie petit Ange
Nous t’aimions déjà de tout notre cœur
Tout au long de ces mois passés ensemble
tu nous as remplis de bonheur

Nous t’attendions, déjà fidèle….
Ce jour magique où nous avons appris votre présence,
Les battements de vos petits cœurs et les coups de pieds.

Petit ange, petit bébé tant désiré
Ta vie fût éphémère mais ta présence sera éternelle.

Comme un petit ange, tu t’es envolé
et nous savons que là où tu es allé
une âme bienveillante t’attendait pour te tenir la main et te guider.

Petit bonheur furtif et grand amour,
parenthèses enchantées dans un ciel aujourd’hui voilé
Pour toi nous perpétuerons la vie qui doit continuer…

Je vous en prie, ne me demandez pas si j’ai réussie à le surmonter
Je ne le surmonterai jamais
Je vous en prie, ne me dites pas qu’il est mieux là où il est maintenant
Il n’est pas ici auprès de moi
Je vous en prie, ne me dites pas que vous savez ce que je ressens,
à moins que vous aussi, vous ayez perdu un enfant.
Je vous en prie, ne me demandez pas de guérir,
le deuil n’est pas une maladie dont on peut se débarrasser.
Je vous en prie, ne me dites pas « au moins vous avez x »,
Il ne le remplace pas,
Je vous en prie, ne me dites pas que Dieu n’inflige pas plus que ce que l’homme peut supporter.
Je vous en prie, dites moi simplement que vous vous souviendrez de Loris.
Je vous en prie, laissez moi simplement parler de mon enfant
Je vous en prie, laissez moi simplement pleurer.

Papa, Maman,

Lorsque la nuit tombe et que les étoiles brillent,
Séchez vos larmes et regardez-moi.

Là-haut dans le ciel, je suis une de ces belles étoiles qui brillent,

Et quand passe une étoile filante, c’est un million de bisous que je vous envoie,
Recevez-les en plein cœur.

Lorsque le vent souffle, c’est encore moi qui me glisse dans les branches,
qui joue dans vos cheveux, qui vous caresse la joue.

Et lorsque le soleil brille, c’est encore moi qui souris, qui vous inonde de ma lumière, de cette chaleur dont je veux vous envelopper, comme votre amour qui me réchauffe.

Papa, Maman,
Nous serons toujours ensemble, car j’habite l’endroit le plus doux et le plus merveilleux qui soit,

J’habite dans vos cœurs

L’amour ne disparaît jamais

La mort n’est qu’un passage.
Je suis seulemnt passé
Dans la pièce d’à côté.
Je suis moi, tu es toi.
Ce que nous étions l’un pour l’autre,
Nous le sommes toujours.

Donne-moi le nom que tu m’as donné.
Parle-moi comme tu l’as toujours fait.
N’emploie pas un ton différent.
Ne prends pas un air solennel ou triste.
Continue à rire
De ce qui nous faisait rire ensemble.

Prie, souris, pense à moi, prie avec moi,
Que mon nom soit prononcé à la maison
Comme il l’a toujours été,
Sans emphase d’aucune sorte,
Sans une trace d’ombre.

La vie signifie
Tout ce qu’elle a toujours signifié.
Elle est ce qu’elle a toujours été:
Le fil n’est pas coupé.

Pourquoi serais-je hors de ta pensée ?
Simplement parce que je suis hors de ta vue ?
Je t’attends, je ne suis pas loin,

Juste de l’autre coté du chemin.
Tu vois, tout est bien…

Quand on perd ses parents, on s’appelle orphelin
Quand on perd son épouse, alors on s’appelle veuf
Quand on perd sa jeunesse, bien entendu, c’est vieux que l’on devient
Mais quand on perd son gamin, y a pas de mot
Il n’y a pas de nom pour décrire le père
Celui qui borde son garçon au cimetière
Jamais un seul poète, un seul pasteur, jamais un seul auteur
N’a eu assez de lettres pour tant de douleur
Quand on perd la raison, bien sûr on s’appelle fou
Et puis on s’appelle pauvre à perdre trop de sous
Quand on perd la mémoire, tout de suite on est qualifié d’amnésique
Mais y a des choses qu’aucun mot n’explique
On aura beau fouiller les plus vieux dictionnaires
Posséder le plus vaste des vocabulaires
Décortiquer Baudelaire, jusque sous terre,
Jusqu’à son dernier vers
Il n’y a pas de mot, pas de manière
D’appeler le parent d’un enfant qui n’est plus
Il n’y a pas de mot pour ça qui soit connu
Quand on perd ses parents, on s’appelle orphelin
Quand on perd son mari, alors on s’appelle veuve
Quand on perd son petit, c’est évident, il n’y a pas de mot
Pourtant y en a des mots qui nous émeuvent
Mais là, y en a aucun, y a vraiment rien à dire
On ne sait même plus trop si on a l’droit de vivre
Mais bon on vit quand même, on vit tout simplement pour n’pas crever
On rit pour n’pas pleurer des flots sans rive
Oui, on vit parce que lui, il n’pourra plus le faire
On vit parce qu’on s’dit que sans doute, il en serait fier
Quand on sauve un enfant, on s’appelle héros
Mais quand on en perd un, y a pas de mot
Pas de mot

Je te veux vivante, Maman !

Je pleure mon enfant qui est mort…
Mais en même temps, j’entends sa voix qui me dit avec une légère impatience :
« Maman, ne te tracasse pas pour moi,
Maman, n’en reste pas là.
Oui, mon départ t’a fait très mal !
Oui, tu as toujours mal !
Mais tu sais maintenant que c’était un envol, non un naufrage.
Oui, je sais ! Cela est inguérissable…
Mais que cela ne t’empêche pas de penser aux autres et aussi à toi.
Continue à cueillir, maman, tous les bonheurs de la vie. Même les plus petits, même s’ils ont un arrière goût de cendre parfois.
Fais-toi plaisir, chante, écoute de la musique, crée quelque chose avec tes mains, crée quelque chose avec ton coeur, avec ta tête !
Sans cesser de pleurer peut-être, mais crée !
Je te veux vivante, Maman ! Que mon départ devienne pour toi source de vie !
Je t’en prie, ne t’abandonne pas !
Continue, va !
Tu le sais, je suis avec toi tous les jours.
Je te veux vivante, Maman !  »

(Extrait du N° 116 du « Pierres Vivantes »)

Quand je ne serai plus là, relâchez-moi,
Laissez-moi partir.
J’ai tellement de choses à faire et à voir.
Ne pleurez pas en pensant à moi,
Soyez reconnaissants pour les belles années,
Je vous ai donné mon amitié.
Vous pouvez seulement deviner
Le bonheur que vous m’avez apporté.

Je vous remercie de l’amour que chacun vous m’avez démontré,
Maintenant, il est temps de voyager seul.
Pour un court moment vous pouvez avoir de la peine.
La confiance vous apportera réconfort et consolation.
Nous serons séparés pour quelque temps.
Laissez les souvenirs apaiser votre douleur.

Je ne suis pas loin et la vie continue…
Si vous avez besoin, appelez-moi et je viendrai.
Même si vous ne pouvez me voir ou me toucher, je serai là.
Et si vous écoutez votre cœur, vous éprouverez clairement
La douceur de l’amour que j’apporterai.

Et quand il sera temps pour vous de partir,
Je serai là pour vous accueillir.
Absent de mon corps, présent avec Dieu.

N’allez pas sur ma tombe pour pleurer,
Je ne suis pas là, je ne dors pas,
Je suis les mille vents qui soufflent,
Je suis le scintillement des cristaux de neige,
Je suis la lumière qui traverse les champs de blé,
Je suis la douce pluie d’automne,
Je suis l’éveil des oiseaux dans le calme du matin,
Je suis l’étoile qui brille dans la nuit.
N’allez pas sur ma tombe pour pleurer,
Je ne suis pas là. Je ne suis pas mort.

Il est venu au monde et je l’ai perdu avant même de le rencontrer, s’est lamentée cette femme.
Je n’ai pas su lui répondre, à cette époque, ce que j’ai découvert depuis et que je sais aujourd’hui.
Que certains bébés, certains enfants se « donnent la liberté » d’apparaître, de seulement apparaître dans la vie, pour insuffler l’envie à l’un de leurs parents de naître enfin ou d’accéder à plus de vie dans leur existence.
Certains enfants sont de passage pour montrer à l’un ou à l’autre de leurs géniteurs un chemin, pour témoigner d’un choix de vie à faire.
Certains enfants, par leur mort subite, invitent… leurs parents à oser un changement qu’ils n’avaient pu envisager jusqu’alors.
Certains enfants ont ce pouvoir de dire par leur présence furtive et fugitive et leur disparition brutale : « Ose ta vie, toi seul la vivra »
Nous pouvons ainsi écouter et entendre le message secret envoyé par ces enfants
dont la présence éphémère nous blesse à jamais si nous restons sourds à leur message d’espoir.

Ne le cherchez pas en arrière, ni ici, ni là,
Ni dans les vestiges matériels qui sont naturellement chers.
Il n’ est plus là, il ne vous attend plus là.
C’ est en avant qu’ il faut le chercher, dans la construction de votre vie renouvelée …
Soyez lui fidèle là, et non point dans une sentimentalité rétrospective avec laquelle il faut avoir le courage de briser.
Sa véritable trace n’ est pas dans certaines manifestations de son activité.
Sa disparition même si douloureuse qu’ elle puisse vous paraître, doit vous libérer, non vous déprimer.

Non pas oublier, mais chercher en avant.
Malgré tout ce que vous pouvez sentir ou croire,
Reconnaître avec évidence que votre vie doit se poursuivre.

Je suis persuadé qu’ elle commence.
Décidez vous seulement à ne plus vivre dans le passé,
Ce qui ne veut pas dire que vous oubliez celui- ci,
Mais seulement que votre manière – la vraie – de lui être fidèle doit consister
à construire en avant, c’ est à dire à être digne de lui.

Ne vous isolez donc pas.
Ne vous repliez donc pas au fond de vous-même.
Mais voyez le plus possible vos amis,
Donnez vous.
C’ est ce don qui vous libérera et vous épanouira.
Je voudrais que vous trouviez nombre de gens et de choses auxquels,
Noblement, vous donnez.

(Theilhard de Chardin)

C’ est aussi accepter que la vie contient la mort,
Et que la mort contient la vie.
C’ est savoir, au plus profond de soi,
Qu’ en fait, rien ne meurt jamais.
Il n’ y a pas de mort,
Il n’ y a que des métamorphoses.

Tu ne nous a pas quittés,
Mais tu t’ en es allé au Pays de la Vie,
Là où les fleurs
Plus jamais ne se fanent,
Là où le temps
Ne sait plus rien de nous.
Ignorant les rides et les soirs,
Là où c’ est toujours matin,
Là où c’ est toujours serein.

Tu as quitté nos ombres,
Nos souffrances et nos peines.
Tu as pris de l’ avance,
Au Pays de la Vie.
Je fleurirai mon coeur
En souvenir de toi,
Là où tu vis en moi,
Là où je vis pour toi.

Et je vivrai deux fois …

(Père André Marie)

Texte tiré de la lettre des compatissants du canada –
J’aimerais que vous n’ayez pas de réserve à prononcer le nom de mon enfant disparu, à me parler de lui. Il a vécu, il est important encore pour moi, j’ai besoin d’entendre son prénom et de parler de lui. Alors ne détournez pas la conversation.
Si je suis émue, que des larmes m’inondent le visage quand vous évoquez son souvenir, soyez sûr que ce n’est pas parce que vous m’avez blessée, c’est sa disparition qui me fait pleurer, il me manque ! Merci à vous qui m’avez permis de pleurer ! Car chaque fois mon cœur guérit un peu plus. J’aimerais que vous essayiez de ne pas oublier mon enfant, d’en effacer le souvenir, ce serait le faire mourir une 2ème fois.
Etre un parent en deuil n’est pas contagieux, ne vous éloignez pas de moi. J’aimerais que vous sachiez que la perte d’un enfant est différente de toutes les autres pertes : c’est la pire des tragédies. Ne la comparez pas à la perte d’un parent, d’un conjoint, d’un animal. Ne comptez pas que dans un an, deux ans, dix ans, je serai guérie, je ne serai jamais ex-mère de mon enfant. J’apprendrai à survivre à sa mort et à revivre malgré ou avec son absence. J’aurai des hauts et des bas. Ne croyez pas trop vite que mon deuil est fini, j’espère que vous admettrez mes réactions physiques dans le deuil : peut-être vais-je prendre ou perdre du poids, dormir comme une marmotte ou devenir insomniaque, le deuil rend vulnérable.
Sachez aussi que tout ce que je fais et que vous trouvez un peu fou est normal pendant un deuil. La dépression, la colère, la culpabilité, la frustration, le désespoir, l’isolement, l’agressivité et la remise en question des croyances et des valeurs fondamentales sont des étapes du deuil d’un enfant.
Essayez de m’accepter dans l’état où je suis momentanément, sans vous froisser. Il est normal que la mort de mon enfant me fasse perdre courage, ambition ou projets d’avenir, je ne vis que de son souvenir, donc dans le passé. Je peux aussi être démotivée dans mon travail, je le fais par habitude, pour survivre, mais parfois sans conviction, ne m’en voulez pas. J’aimerais que vous compreniez que le deuil transforme une personne, je ne suis plus celle que j’étais avant et je ne le serai jamais plus.
Si vous attendez que je redevienne comme avant, vous serez toujours frustré. Je deviens une personne nouvelle, avec de nouvelles valeurs, de nouveaux rêves, de nouvelles aspirations, de nouvelles croyances. Je vous en prie, efforcez-vous de refaire connaissance avec moi, peut-être m’apprécierez-vous de nouveau. Je n’arrive plus à aller au-devant de vous, je suis souvent seule, parce que j’ai besoin de temps, de réflexion, et pourtant si c’est vous qui venez me chercher, alors je serai contente. Le jour de l’anniversaire de mon enfant, celui de son décès sont très difficiles à vivre pour moi, de même que les autres fêtes (mon propre anniversaire, la fête des mères, Noël ou même les vacances). J’aimerais que vous puissiez me dire que vous pensez aussi à mon enfant. Quand je suis tranquille et réservée, sachez que souvent je pense à lui, alors ne vous efforcez pas de me divertir. Mais j’ai besoin de vous, de votre présence, de me sentir entourée, malgré mes sauts d’humeur. Merci à vous qui me comprenez mieux maintenant.

Être maman
c’est construire un château,
pendant des mois, patiemment,
mettre le sable dans son seau.

Peu à peu voilà une tour,
puis un mur qui voit le jour,
un créneau, un pont levis,
c’est le miracle de la vie.

La femme, toute à son ouvrage,
place pourquoi pas quelques fenêtres,
elle fait là son plus beau voyage
à la rencontre du petit être.

Mais la mamange n’aura jamais
le bonheur de reculer avec fierté
pour enfin pouvoir admirer
ce que déjà si fort elle aimait.

Car la vague du matin
vient déjà lécher la plage,
elle emporte doucement les grains,
et détruit rapidement l’ouvrage.

La maman désespérée
crie en vain au secours
mais la plage est désertée
ou sont passés les autres autour ?

Des larmes plein le corps
elle crie elle hurle face à l’océan
lui demandant pourquoi, comment,
elle lui vole son trésor.

Dans le silence assourdissant
la mamange réalise alors,
que malgré tout sont là encore
les autres châteaux dressés fièrement.

Pour elle il ne reste maintenant
que quelques grains entre ses mains,
et le sentiment au fond du cœur,
d’avoir frôlé le vrai bonheur.

Elle quitte les lieux, le cœur engourdi,
ses bras sont lourds de tout ce vide.
Sous ses pieds, le sable humide
lui rappelle à chaque pas ce qui manque à sa vie.

Mais la mamange comprendra un jour
Que si la mer lui joue ce tour
C’est uniquement parce que son château
d’entre tous était vraiment le plus beau…

Nous rentrons chez nous. La vie continue, comme dit la sagesse populaire.

Il y a ceux pour qui ça n’est pas bien grave dans leur bouche, la naissance devient une sorte d’extrême fausse couche, et ils s’étonnent de l’enterrement comme d’un luxe au romantisme excessif.

Il y a ceux qui établissent une hiérarchie du malheur : le pire, c’est quand même de perdre un enfant, un vrai -, une fillette de sept ans ou un fils de vingt ans. Là, c’est vraiment terrible, car les parents restent avec leurs souvenirs. Peu importe l’âge auquel meurt un enfant : si le passé est court, demain est sans limites. Nous portons le deuil le plus noir, celui du possible.

Tous les parents pleurent les mêmes larmes : ils ont des souvenirs d’avenir.

Il y a ceux qui me tapotent le dos et m’assurent, comme si j’avais raté mon bac, que je vais « finir par y arriver » ;

Celles qui sont fières de la santé de leurs enfants et laissent percer la vanité sous leurs condoléances : tout le monde ne réussit pas à donner la vie.

Il y a ceux qui allaient justement me téléphoner,

Ceux qui ne m’en parlent pas parce qu’il ne faut pas confondre la « vie professionnelle » et la « vie privée »,

Ceux qui étouffent l’affaire comme si elle n’était pas très catholique.

Il y a ceux qui rasent les murs pour nous éviter, ceux qui ont perdu notre adresse, ceux qui « sont plutôt téléphone » – mais pourquoi ne téléphonent-ils pas ?

Il y a ceux qui sont contents et qui ne savent pas le cacher, ceux qui sont tristes et qui ne savent pas le montrer ; celles qui me demandent si je me « sens coupable » ou si je « peux encore en avoir ».

Il y a ceux qui font comme s’il ne s’était rien passé, comme s’ils ignoraient tout (mais ils savent, pourtant, puisque me revoyant le ventre dégonflé, ils ne demandent pas de nouvelles du bébé),

Ceux qui, me rencontrant au marché, me parlent du prix des tomates et des vacances prochaines. Les semaines qui ont suivi sa naissance, chaque fois qu’on m’a parlé d’autre chose, il est mort à nouveau.

Il y a ceux qui ont couru le risque d’être banals – et bien sûr ils l’étaient, mais nous aidaient à vivre – ceux qui ne savaient pas quoi dire et qui l’ont dit, ceux qui nous ont offert cela, leur maladresse, leurs bégaiements, leur impuissance accotée à la nôtre, ceux qui nous ont donné ce qu’ils avaient, ce qu’ils étaient.